Premier Chapitre
L’Eurostar arrive en gare du Nord et s’arrête dans un grand fracas. Les passagers se précipitent au bout du wagon pour récupérer leurs bagages. Victoria soupire et attend quelques instants que le flot de voyageurs s’écoule. Elle se force à se lever pour aller chercher sa grosse valise à roulettes. Elle s’en empare et peine à la descendre du train.— Dire que j’ai 29 ans, pense Victoria dépitée. J’ai l’impression d’en avoir vingt de plus !
Démoralisée, elle reste quelques minutes, figée sur le quai. Un lourd sentiment d’échec pèse sur ses épaules. Les gens pressés la bousculent au passage en râlant.
Deux ans auparavant, elle se trouvait au même endroit, souriante, fébrile, et pleine d’espoir. Son diplôme en poche, elle allait s’installer à Londres où elle avait décroché un job de conceptrice-rédactrice dans une agence de publicité. Elle devait partager un appartement en colocation avec deux autres françaises. Elle avait l’impression de commencer enfin sa vie et de partir à la conquête du monde.
Déjà, quand elle était arrivée à Paris afin de poursuivre ses études, elle avait eu la sensation de respirer une grande bouffée d’oxygène. Adieu sa province natale et son existence étriquée auprès de sa mère ! À elle la liberté ! Alors Londres, c’était monter encore d’un cran. L’Angleterre, le pays des Beatles, d’Ed Sheeran, de Keira Knightley, d’Harry Potter et de Bridget Jones ! Et après, pourquoi pas l’Amérique ?
Hélas ! Son enthousiasme n’avait duré que quelques mois. La chambre qu’elle occupait dans la capitale anglaise était étroite et bruyante. Victoria partageait une seule salle de bains avec ses deux compatriotes et la cohabitation s’était révélée plus difficile qu’elle ne l’aurait cru. Au départ, elle se couchait tôt pour pouvoir assurer son travail au maximum de ses capacités. Mais ses colocataires la réveillaient régulièrement en plein milieu de la nuit, en rentrant éméchées d’une soirée bien arrosée. Victoria peinait à retrouver le sommeil surtout lorsqu’elle les entendait chanter à côté en rigolant, jusqu’à ce que l’une d’entre elles, voire les deux, termine la tête dans les toilettes. Ses bonnes résolutions s’étaient vite envolées et elle avait fini par adopter le même régime. Quitte à ne pas dormir, autant s’amuser avec elles ! L’emploi qu’elle occupait s’était avéré beaucoup moins palpitant qu’elle ne l’avait imaginé. Les clients ne semblaient jamais satisfaits. Elle passait son temps à corriger, à revoir leurs projets et à tenter de s’adapter à leurs demandes irréalistes. On la pressait de tous les côtés, pour tenir les deadlines et ne pas dépasser le budget. Au bout de quelques semaines, elle commençait déjà à se poser des questions. Ce travail lui correspondait-il vraiment ? Voulait-elle endurer cela pendant toute son existence ? Plus les mois défilaient, plus l’impression de ne pas se trouver à sa place grandissait. Vanter les mérites d’un jus de fruits bourré de sucre qui allait entraîner surpoids et diabète lui paraissait aller à l’encontre de ses valeurs profondes. Pousser des consommateurs à acheter un fromage qui n’en avait que le nom et allait boucher à coup sûr leurs artères, lui répugnait. Et la liste était longue. Elle ne pouvait pas choisir ses clients. En tant que dernière arrivée, on lui attribuait ceux dont on ne voulait pas. En résumé, les plus pénibles.
Victoria s’interrogeait chaque jour sur la pertinence de son métier et sa motivation s’amenuisait de plus en plus. Elle regrettait de ne pas s’en être rendu compte plus tôt, d’avoir refusé d’écouter son intuition et de s’être laissé influencer par ses professeurs qui accordaient une importance primordiale à la réussite sociale et financière. Mais ce n’est pas si simple, quand on débute dans la vie et qu’on ignore à peu près tout.
Plus son moral baissait, plus son taux d’alcool montait. Elle finissait souvent ses journées au pub puis en boîte avec ses copines. Le réveil était difficile. Accueillir un client avec la nausée assortie d’une horrible migraine, après une nuit de folie, pour lui exposer dans le détail la campagne publicitaire qui allait promouvoir son produit au premier rang se révélait un exploit. Malgré son insatisfaction grandissante, elle ne pouvait se permettre de quitter cet emploi qui payait tout juste son toit, sa nourriture et ses sorties. À Londres, les loyers étaient exorbitants. Ses patrons avaient peut-être recueilli des plaintes de clients négligés. Ils ne devaient pas non plus adorer sa tête des mauvais jours et son haleine chargée qu’elle tentait de cacher en suçotant des bonbons à la menthe. Et puis, contrairement à certaines de ses collègues qui cherchaient la promotion à tout prix, Victoria ne savait pas s’adonner à l’hypocrisie, au léchage de bottes, au ton mielleux, au regard faussement admiratif, aux battements de cils et aux compliments mensongers. Ce n’était pas dans son caractère. Elle avait du mal à dissimuler son enthousiasme ou son agacement. On lisait en elle comme dans un livre ouvert. Tout le monde n’appréciait pas sa sincérité, malgré ses efforts pour mesurer ses propos. Sa tendance à vouloir améliorer les choses et donc à les changer la faisait souvent passer pour une rebelle. Elle ne rentrait pas dans le moule de ce monde-là, et elle dérangeait. Elle avait bien conscience de ne pas se trouver à la bonne place. Mais sa raison et son côté matériel la poussaient à s’accrocher tant bien que mal à cet emploi pour lequel elle avait déployé tant d’ardeur. Sa pauvre mère avait trimé sang et eau pour l’envoyer à l’école Sainte Bernadette de Villemont, leur petite bourgade, puis pour qu’elle puisse continuer ses études à Paris. Ses professeurs l’avaient vivement encouragée à s’orienter dans le marketing et le commerce international, leur branche favorite. Son avenir était assuré avec le salaire mirobolant qu’elle ne manquerait pas d’obtenir, avaient-ils vanté pour la convaincre. Quel dommage de gâcher un tel potentiel dans un métier plus modeste, s’étaient-ils écriés, lorsque Victoria avait suggéré que la filière psychologie la tenterait bien.
À Londres, ses patrons l’avaient remerciée du jour au lendemain, prétextant une réduction de personnel. Ils n’avaient pas eu trop de mal à choisir entre elle et la mielleuse Tiffany qui accourait pour les contenter dès qu’ils levaient le petit doigt. Affolée, Victoria avait consulté son compte en banque et constaté que le montant qui s’affichait lui permettait tout juste de payer son billet pour la France. Deux jours plus tard, elle s’était donc retrouvée dans l’Eurostar, direction Paris, avec les poches vides et sa grosse valise qui contenait toute sa vie outre-Manche. Retour à la case départ !
Victoria traîne péniblement son bagage et le poids de sa déception dans le métro, jusqu’à la gare Montparnasse où elle grimpe dans un autre train qui la mènera dans sa province natale. Assise dans le wagon, elle regarde défiler le paysage par la vitre et songe avec dépit que son prénom Victoria est loin de représenter ce qu’elle vit actuellement. Quelle défaite ! En partant, elle avait imaginé qu’elle reviendrait pour les vacances, la tête haute et le sourire aux lèvres, s’accordant une courte escale chez sa mère avant de prendre un vol pour Los Angeles, en classe business. Elle s’était vu séjourner dans une suite à l’hôtel Four Seasons sur la côte californienne. Dans le package, elle avait aussi projeté de se trouver au bras d’un beau et séduisant trader de la City, qui la contemplerait d’un air énamouré et ferait baver d’envie toutes ses anciennes camarades de lycée.
Un cahot propulse Victoria sur le côté. Sa tête vient heurter la fenêtre ce qui la ramène à la dure réalité. Pour couronner le tout, bien que ce soit le début du printemps, un ciel gris et chargé déverse une pluie glaciale, assortie à la morosité de son humeur.
Après deux heures de trajet, le train s’arrête dans un grand crissement de freins. Elle s’empare de sa lourde valise et la traîne tant bien que mal jusqu’au parking de la gare où elle repère la petite voiture de sa mère qui l’attend, assise au volant. Elle lutte pour réussir à enfourner son bagage dans le coffre étroit et s’empresse de se réfugier dans l’habitacle à la place du passager. Paulette tourne son visage sévère vers Victoria. Un rictus déforme ses lèvres, elle se force à se pencher vers sa fille pour l’embrasser brièvement en frôlant sa joue.
— Tu as fait bon voyage ? lui demande-t-elle d’un ton grave.
— Ça a été long.
De toute évidence, Victoria ne s’attendait pas à ce qu’elle lui saute au cou avec une expression réjouie, mais visiblement, sa mère a décidé de bouder et de bien lui faire sentir sa désapprobation. Le retour de la fille prodige ne se déroule pas selon le scénario rêvé, mais quand même, elle pourrait s’efforcer de montrer un peu de compassion. Paulette est déçue. Toutes ses espérances se sont évanouies et sa fierté en a pris un sacré coup. Elle va devoir répondre aux questions indiscrètes des gens et supporter leurs faux airs navrés, tout en tentant de sourire. Victoria la plaint. Sa mère a eu le malheur de tout miser sur elle et de s’en vanter auprès du voisinage. Sa fille était promise à une carrière brillante qui la hisserait dans l’échelle sociale. Paulette se sentait valorisée à cette idée. Mais elle a perdu. Victoria est devenue un boulet qu’elle va devoir traîner ad vitam aeternam.
Le retour en voiture se déroule dans un silence pesant. Paulette se gare devant la maison de ses parents, qui n’a pas changé. Elle est demeurée figée dans son jus des années 70. Elle grimpe les marches, suivie par sa fille. Victoria tire sa valise avec peine jusqu’à l’entrée, puis dans l’escalier qui monte à sa chambre sous les combles. Elle redescend avec appréhension pour le dîner. Sa mère a fait réchauffer un reste de bourguignon avec des pâtes. Elle lui en sert une portion et s’assoit face à elle, à la petite table en formica de la cuisine.
— Alors, ils t’ont virée, constate-t-elle d’un air grave.
— Ils m’ont licenciée. Restriction de personnel, précise Victoria.
— Tu es la seule ? Et les autres ?
Sa fille hausse les épaules.
— Peu importe, c’est comme ça et on n’y peut rien.
— Et donc, qu’est-ce que tu envisages maintenant ?
— Là, tout de suite, dormir.
— Tu n’as pas réfléchi ? Tu as des économies au moins ?
Victoria souffle.
— Non. La vie à Londres est extrêmement chère.
— Qu’est-ce que tu projettes alors ?
— À part me jeter sous un train, je ne vois pas, ironise sa fille.
— Arrête tes bêtises ! Je m’inquiète, tu comprends. Sans argent, tu ne peux pas louer un appartement dans une grande ville et chercher du travail. Dans ta branche, ici, tu ne trouveras rien.
— Tu crois que je ne m’en doute pas ! Je me débrouillerai. Je changerai de voie. De toute façon, ça ne me plaisait pas.
Le visage contrarié, Paulette regarde sa fille avec sévérité.
— Et tu ne réalises cela que maintenant ? Après tous les sacrifices que j’ai faits pour toi !
— Excuse-moi. Mais avant de travailler, j’ignorais que ça ne me conviendrait pas. Je trouverai autre chose.
— Je ne peux pas t’entretenir, j’ai déjà du mal à joindre les deux bouts, déclare sèchement Paulette.
— Je m’en doute. J’ai compris, souffle Victoria accablée.
Le reste du repas se déroule dans un silence pesant. Seul le bruit inexorable de la pendule trouble la nuit. Victoria fixe d’un œil déprimé le buffet en formica vert. Elle a l’impression d’avoir voyagé dans le temps et d’être revenue au siècle dernier.
Après avoir aidé sa mère à ranger la cuisine, elle monte se coucher. Assise dans son petit lit d’adolescente, elle contemple avec dépit les posters restés accrochés au mur et le papier peint terni. Elle est partie d’ici depuis des années. Alors, se retrouver là à 29 ans, c’est un retour en arrière très pénible et la preuve de son échec cuisant. Elle ne souhaite plus travailler dans la publicité mais elle ignore totalement ce qui pourrait lui plaire. Comment va-t-elle réussir à garder le moral sans aucun soutien psychologique ? Elle ne peut pas compter sur sa mère pour l’encourager et lui apporter un peu de chaleur. Elle s’empresse de chasser ses pensées moroses. Elle ne veut surtout pas devenir comme elle. Paulette passe son temps à broyer du noir, à annoncer des catastrophes et à prévoir le pire. Assommée par la fatigue, Victoria s’endort rapidement.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, Paulette remet le sujet sur le tapis.
— Tu vas chercher du travail ? lui demande-t-elle d’un air suspicieux.
Victoria soupire.
— Oui. Mais je prendrais bien un ou deux jours pour souffler et réfléchir.
— Je ne veux pas te voir traîner au lit et passer ton temps devant la télé, râle Paulette d’un ton sévère. Tu dois vite te remettre sur pieds.
— J’ai bien compris. Inutile de me le répéter. Je ne suis arrivée qu’hier soir.
Pressée par sa mère, Victoria se résout donc à se rendre au bistrot du village pour aller y chercher les journaux locaux. Elle chausse ses lunettes de soleil, malgré une météo grisâtre, dans l’espoir de passer incognito.
À la caisse, madame Maupu la reconnaît aussitôt.
— Mais oui, c’est bien toi, Victoria ! Victoria Rivière !
Celle-ci acquiesce, la mort dans l’âme.
— Ben, qu’est-ce que tu fais ici ? T’es plus à Londres ?
— Non. Je suis en transit.
— Charlène, viens voir, crie madame Maupu vers la porte située derrière elle qui donne dans la cuisine. Viens voir qui est là !
Victoria soupire. Impossible d’éviter d’être repérée !
Son ancienne camarade du lycée se dépêche de se montrer. Elle tient un bébé dans les bras, et la regarde avec des yeux écarquillés.
— C’est Victoria ! annonce sa mère. Elle est revenue !
Victoria esquisse un sourire forcé et salue la jeune maman.
— Dis donc, ça fait longtemps que tu es partie ! s’exclame madame Maupu.
Elle acquiesce.
— Qu’est-ce que tu deviens ? demande Charlène.
— Rien de spécial.
— Toujours célibataire ? interroge madame Maupu. Tu ne nous ramènes pas un beau British ?
Victoria secoue la tête de droite à gauche.
— Dommage ! C’est à cause du Brexit que tu reviens, c’est ça, hein ? avance madame Maupu.
Ravie qu’elle lui fournisse une excuse valable à laquelle elle n’avait pas songé, Victoria approuve d’un air affligé et s’empresse de changer de sujet.
— Et toi, Charlène, il a quel âge, ce petit ?
— Trois mois, annonce celle-ci avec fierté. C’est le deuxième, l’aîné a deux ans.
— Que des garçons ! s’exclame sa mère d’un ton enjoué.
— Je suis mariée avec Xavier Letort, depuis cinq ans, précise sa fille.
— Ah ! Toutes mes félicitations, déclare Victoria en pensant à l’adolescent turbulent qu’elle a connu. Le monde a bien changé depuis son départ.
Elle se hâte de payer et de s’en aller avant qu’elles ne lui posent trop de questions. Ici, à Villemont, impossible de passer inaperçu. On épie vos moindres faits et gestes et vous pouvez vite devenir le sujet principal des ragots du bourg. Noyée dans l’anonymat londonien, Victoria en a perdu l’habitude.
Sur le chemin du retour, elle pense qu’elle va devoir limiter ses sorties pour préserver sa tranquillité et éviter la curiosité du voisinage.
Elle s’assoit dans la cuisine et épluche le journal. Aucune annonce ne convient. Les postes proposés concernent une fleuriste, un boucher, un élagueur et une caissière pour la supérette. Victoria soupire et cherche à se changer les idées en regardant une série sur sa tablette. Mais la fibre n’est pas encore arrivée jusqu’ici et Internet rame à la vitesse d’un escargot. Elle abandonne et passe le reste de la journée devant des émissions sans intérêt à la télé. À 18 h 30, quand sa mère franchit la porte d’entrée, son moral est au plus bas.
— Alors, tu as trouvé quelque chose ? s’empresse-t-elle de lui demander.
Victoria lui explique que non. Paulette lui conseille vivement de postuler pour l’emploi de caissière.
— Tu dois gagner de l’argent, au plus vite. Ici, les places sont rares. Il faut sauter sur l’occasion.
Elle coupe l’appétit de sa fille qui court se réfugier dans sa chambre sans dîner. Pour contenter sa mère, Victoria envoie son CV, sachant pertinemment qu’avec son niveau d’études, elle est surqualifiée pour ce poste. Quitter la publicité pour un travail de caissière lui apparaît comme une mauvaise idée. Elle doute de pouvoir s’y épanouir.
Quelques jours plus tard, Paulette rentre un soir, avec un sourire aux lèvres surprenant. Elle demande à sa fille si elle a eu des nouvelles de l’emploi au supermarché. Victoria répond par la négative.
— Tant mieux ! Parce que je t’ai trouvé un travail ! lance sa mère d’un air réjoui.
Victoria la regarde avec étonnement.
Paulette poursuit :
— Cet après-midi, je suis allée chez madame de Villemont pour sa comptabilité. Tu vois de qui je parle.
— Absolument pas.
— Madame de Villemont, le manoir, le parc, à la sortie du bourg.
— Oui, je connais le domaine, mais elle, je ne m’en souviens pas.
— Pourtant, tu m’as parfois accompagnée chez elle quand tes grands-parents ne pouvaient pas te garder.
Victoria secoue la tête.
— Peu importe ! s’exclame sa mère. Madame de Villemont est veuve, riche, et elle a 78 ans. C’est une dame très élégante et sociable !
— Tant mieux pour elle.
— Elle a perdu sa meilleure amie, il y a un mois et elle a un peu de mal à remonter la pente.
Victoria ne comprend pas en quoi cette histoire la concerne, mais compatit.
— C’est triste.
— Bref ! Je lui ai raconté ton retour.
Victoria soupire. Décidément, tout le village doit être au courant. Et elle ne voit pas comment le récit de son échec pourrait améliorer le moral de la madame de Villemont.
— Elle était navrée pour toi, continue sa mère. Mais ta situation lui a donné une idée. Elle m’a soudain proposé que tu deviennes sa dame de compagnie. Son amie étant décédée, personne ne peut plus l’accompagner dans ses sorties. Elle a pensé que cela vous dépannerait toutes les deux.
Victoria hausse les yeux au ciel et s’exclame :
— Dame de compagnie ! C’est pas de mon âge ! Il lui faut plutôt quelqu’un de 50 ans.
— Pas du tout. Justement, elle a spécifié qu’elle préférait engager une personne jeune qui égayerait ses journées. Elle ne veut pas avoir à enterrer quelqu’un d’autre.
Quelle idée !
— Alors, elle a demandé si tu pouvais venir prendre le thé chez elle demain à 16 heures. Évidemment, j’ai répondu oui.
Victoria se sent accablée et proteste :
— T’aurais quand même pu m’interroger d’abord. Et si je refuse ?
— Tu n’as pas tellement le choix, précise sa mère, d’un ton grave. C’est ça ou le poste de caissière. Et maintenant que j’ai promis, tu ne peux pas reculer. Tu as intérêt à y aller sinon…
— Sinon quoi ?
— Je ne suis pas obligée de te garder à la maison. J’ai assez payé pour toi, et tu risques de finir sur le trottoir ! la menace-t-elle.
Dépitée, Victoria pousse un soupir en levant les yeux au ciel.
Le soir, dans son petit lit, elle réfléchit et décide de suivre le conseil de sa mère. À tout prendre, elle préfère cet emploi-là. Au moins, elle contribuera peut-être à égayer cette vieille dame et elle se sentira utile.