Premier Chapitre
DE CHAIR, DE SANG ET DE DOUTESFrance, Lisieux, Parvis de la Cathédrale le 18 février 2019
Il était tôt dans la matinée, en ce mois de février. Le soleil se levant au-dessus des voûtes de la cathédrale faisait rosir le ciel et dissipait la brume. Certains parents attendaient déjà l’autocar, les yeux rougis et frissonnant. La température était anormalement basse, à peine quelques degrés seulement. Les écharpes couvraient la bouche et le nez des enfants qui s’amusaient à faire fumer l’air qui s’en échappait.
L’actuelle cathédrale Saint-Pierre à Lisieux, rare monument Lexovien rescapé des bombardements de la Deuxième Guerre mondiale, fut construite à l'initiative de l'évêque Arnoul en 1160. Même s’il est fait état dans les chroniques mérovingiennes d’une cathédrale sur cet emplacement au sixième siècle, c’est à l’évêque que l’on en attribue l’exclusive paternité.
Dès le départ, des voûtes d’ogives quadripartites et des arcs-boutants furent conçus par les maîtres bâtisseurs réalisant ainsi l’un des premiers édifices gothiques de Normandie. La nef, assez austère, s’inspire du style gothique d’Île-de-France tandis que le chevet, la tour lanterne ou la façade occidentale relèvent plutôt du style normand.
Sœur Catherine, professeur d’histoire à l’école catholique de Sainte Thérèse de Lisieux, sautillait d’un pied sur l’autre en faisant la leçon aux enfants qui l’entouraient les origines de la cathédrale.
- On dit qu'Henri, comte d’Anjou et duc de Normandie, futur roi d'Angleterre, et Aliénor d'Aquitaine s'y sont mariés en 1152. L'évêque Pierre Cauchon, dont le nom reste attaché au procès de Jeanne d'Arc, y fut enterré en 1442.
- Ma sœur, l’évêque Cauchon c’était un super méchant, puisqu’il a fait brûler Sainte Jeanne, c’est normal qu’il soit enterré dans une cathédrale ?
- Euh… Ce n’est pas à nous, Guillaume, de décider qui mérite le pardon de Dieu.
- Mais, alors on peut aller au paradis même si on commet des péchés graves ?
- Je te le répète, ce n’est pas aux hommes de juger des fautes de leurs semblables. Cette cathédrale est dédiée à Saint Pierre, c’est lui qui accueille les âmes des pécheurs et qui les informe de la justice divine.
- Alors pour aller au Paradis, il faut d’abord mourir ?
- Cela me semble, en effet, la seule façon d’y accéder.
Sœur Catherine avait l’habitude des joutes verbales interminables avec le jeune garçon qui ergotait sans cesse, avait un avis sur tout et qui pour impressionner son institutrice s’ingéniait surtout à en avoir un. Elle leva les yeux en se demandant quand le ciel enverrait des réponses indiscutables à ces questions qui mettaient durement sa foi à l'épreuve.
L’autocar apparut enfin au bout de la place et se rapprocha lentement du parvis. Il stoppa devant la cathédrale. Dans un bruit de soufflerie, les portes automatiques s’ouvrirent et le moteur s’arrêta. Le voyage de février au Futuroscope de Poitiers était un événement annuel dont les enfants raffolaient. Quitter Lisieux et leurs familles pour deux jours était un acte d’autonomie intense pour les classes de CE2 et de CM1, quant à passer une nuit complète dans un hôtel entre camarades c’était une pure gourmandise.
Les parents les plus inquiets s’étaient levés tôt pour accompagner leur progéniture et quand le véhicule de la société de transport quitta la place de la cathédrale, les picotements aux yeux ne provenaient pas tous de la fraîcheur de l’air.
Ceux parmi les parents d’élèves qui ne prirent pas la peine de venir, confiant leur fils ou leur fille à des voisins, le regrettèrent amèrement parce que ce fut la dernière occasion qu’ils eurent de les serrer dans leurs bras.
À neuf heures trente, le 18 février 2009, quarante-deux enfants de l’école catholique de Sainte-Thérèse de Lisieux, trois institutrices et le curé de la paroisse disparurent sans laisser la moindre trace.
Chapitre 1
Palestine, quelque part sur les rives du Jourdain, en l’an 29.
Jean regardait couler le fleuve qui s'étirait paresseusement entre les collines et les oliveraies. Il n’avait souhaité jamais quoi que ce soit d’autre.
Être assis là, seul, au bord du monde, voir couler le temps et n’être qu’un rocher témoignant des crues. C’était la vie qu’il s’était choisi, sans gloire, sans richesse et sans douleur. Pourquoi avait-il fallu qu’il fît des rêves qui dérangent ?
Ni la solitude, ni le vent du désert n’avaient pu apaiser les images qui hantaient son sommeil. Longtemps, trop longtemps peut-être, il avait vécu en ascète, seul, face à l’immensité du ciel, se nourrissant de sauterelles grillées, de miel sauvage, s’abreuvant de perles de rosée. Ses journées passaient lentement, au rythme des saisons à s’interroger sur le rôle de l’homme dans l’univers, on le disait prophète, il n’était que philosophe.
Vivre en marge de l’humanité, n’apercevoir des hommes que la fumée de leurs feux, ignorer leurs folies, ne lui épargnait pas les réveils fiévreux. Sa seule satisfaction provenait de l’éloignement de ses oreilles et des discours oiseux de ses contemporains.
De temps à autre, des bergers, pour meubler leur solitude, venaient voir l’ermite qui prêchait dans le désert.
Certains matins, les images et les voix qui emplissaient sa tête étaient trop présentes, il ne pouvait plus les ignorer. Alors, bien que rarement, il en parlait pour soulager son âme. La plupart du temps, il ne s’adressait qu’aux gerboises et aux serpents.
Puis, il y eut ce berger qui demeura à ses côtés une nuit durant, et qui l’écouta avec une flamme d’exaltation dans le regard. Jean avait cru en être débarrassé, il regrettait presque de s’être laissé aller, mais l’autre était revenu et d’autres l'avaient suivi. Finalement, le désert n’avait plus été un refuge.
C’était Zacharie, son père, qui le premier avait tenu un discours irrationnel.
À sa naissance, lui qui ne disait jamais mot, avait cru bon de parler d’un ange venu le visiter et qui lui annonçant le retour d’Elie le prophète, le même qui avait quitté ce monde sur un chariot de feu.
Elie reviendrait sous le nom de Jean et serait enfanté par Élisabeth, la femme de Zacharie. Quelle étrange idée lui était venue là !
Personne ne s’était jamais appelé Jean dans la famille, la tradition eut été qu’il se nommât lui aussi Zacharie comme son père et comme le père de celui-ci. Peut-être qu’alors rien ne serait arrivé.
Jean haussa les épaules, il n’était plus temps de ressasser le passé, on ne pouvait rien y faire, c’était ainsi, il était possible après tout que tout fût vraiment déjà écrit.
Ils allaient venir le chercher et il ne verrait jamais plus le Jourdain. Cela ne lui manquerait pas longtemps, il est vrai, puisqu’on l’exécuterait dans sa cellule d’ici quelques jours. De tous les griefs que pouvaient légitimement lui reprocher les autorités pour son rôle d'agitateur social, on allait lui ôter la vie pour le plus véniel.
On le tuerait pour avoir émis une évidence, celle de dire qu’un homme ne pouvait prendre pour épouse la femme de son frère encore en vie. Cela méritait il la mort ? Était ce là les desseins de Dieu à son égard ?
Un vol de passereaux longea la surface de l’eau, les effluves de jasmin emplirent ses poumons, des larmes lui montèrent aux yeux en réalisant à quel point il aimait la vie. Que resterait il de sa vie ? Qu’auront-ils compris de la purification par l’eau ?
Rien probablement. Ils ne comprenaient jamais rien de toute façon. L’inexorable expansion de l’humanité dans sa course folle vers l’intangible ne prendrait fin que dans le vacarme des eaux. Comment pouvait il en être autrement ?
Vivre en sachant cela avait été une souffrance quotidienne, on disait de lui qu’il était un prophète. Certains disaient qu'il était la réincarnation d'Elie, d'autres plus tard, diraient qu’il était le véritable fils de Dieu.
Dieu, que m’as-tu fait ?
Il restait peu de temps, déjà, l’aube faisait briller l’eau de ce fleuve immense qui donnerait plus tard naissance à un pays. Quand le soleil passerait au-dessus de la colline, le premier soldat apparaîtrait au bout du chemin en pente, il serait le premier des douze hommes envoyé par Hérode Antipas. Ils étaient en route depuis l’aube, ils ne tarderaient plus. Ils éviteraient les villages et ils le dissimuleraient sous une bâche cherchant à éviter le peuple.
Jean respira profondément cet air qui bientôt lui ferait défaut, il regarda ses mains, elles tremblaient. Il eut honte d’avoir peur et se laissa envahir par la révolte. Il attendait qu'on vienne le prendre, il connaissait tous les détails des prochaines heures, c’était la deuxième fois que ses rêves le concernaient et jamais ceux-ci n’avaient été aussi précis.
Des années auparavant, avant de fuir la compagnie des hommes, il avait quitté son village et sa famille pour parcourir les provinces de Palestine, à la rencontre de ce peuple d’Israël à la fois élu et maudit de Dieu. La terre d'Israël était pour les prêtres le « nombril du monde », située entre le Liban et la Mer Rouge, là où Orient et Occident se rencontraient, c’était la terre promise par Dieu à son peuple qui pérégrinait dans le désert. La terre où Moïse conduisit les siens, après l'exode d'Égypte. Dieu, qu’en ont-ils fait ?
Enfant, quand il n'était encore ni le baptiste ni le précurseur, Jean racontait, sans l’avoir appris de personne, que c’était à Ur, en Chaldée, qu'avait commencé l'histoire du salut du monde, avec le départ d'Abraham. Celui-ci répondit à l’appel de Dieu, il y avait de cela plus de quatre mille ans. Et c'était en terre de Palestine, que l'attente du Messie s'achèverait.
Peut-être était ce la surprise d’entendre un enfant parler comme un prêtre qui fut à l’origine de sa réputation ou bien était ce le rêve de Zacharie, mais les autres enfants n’osaient l’approcher. Le salut du monde, Jean le connaissait, il l’avait rêvé et cela n’avait rien de réjouissant.
Les voyages incessants qu’il effectua, les rencontres qu’il fit, lui ôtèrent toute illusion quant à la supposée bonté originelle des hommes. S’il existait des esprits charitables qui justifiaient les détours et les lieues de chemins poussiéreux parcourus à leur recherche, il n’était pas besoin d’une arche pour les contenir tous. Une barque de pêcheur, tout au plus.
Les autres, les autres ne valaient pas le poids de l’air qu’ils respiraient. Parfois, il pensait que sa véritable malédiction n’était pas ses visions de futur aussi grises qu’un ciel sans soleil, mais bien cet amour irrationnel qu’il éprouvait pour une humanité qui n’en méritait pas tant.
Ses rêves l’avaient très tôt jeté sur les chemins à la recherche des justes, mais il en avait trouvé si peu, qu’il lui avait semblé préférable de soigner les âmes les moins atteintes qu’en rechercher des pures.
Si Dieu voulait un peuple d’élus, il allait lui falloir apprendre à pardonner. Un dieu de colère, vengeur et vindicatif ne pouvait régner que sur un univers de solitude. Les Saintes Écritures étaient celles d’un esprit violent et guerrier, elles ne parlaient que de fureur et de vengeance. Œil pour œil, dent pour dent, vie pour vie. Dieu, le père de toutes choses avait-il réellement soufflé de telles absurdités à l’oreille des anciens prophètes ?
En cela, Pierre et ses comploteurs avaient raison, il fallait porter aux hommes une nouvelle parole de fraternité, d’indulgence et d’espérance. Peut-être et peut-être seulement pourrait on alors infléchir le sort de l’humanité.
Avec cette idée, peu à peu ses rêves s’adoucirent, le pardon sembla gagner du terrain. Au rôle de prospecteur des justes succéda celui de médecin des âmes. Il lava les corps et répandit la nouvelle d’un pardon divin. Il commença à baptiser par l’eau ceux qui venaient à lui. Il s’agissait d’un acte symbolique pour amener le pécheur à l’introspection.
Mais dans ce domaine aussi, la perversité des puissants vint colorer les eaux du Jourdain. On le fit venir avec des jarres d’eau dans les palais où régnaient la décadence et la luxure, pour qu’il y administrât le pardon comme on distribuait les bâtons de miel aux enfants.
C’est ainsi qu’il rencontra Hérode Antipas. Au début, Jean apprécia les longues discussions théologiques qui les faisaient jouter verbalement des heures durant. Hérode n’était pas un juste, il s’en fallait de beaucoup, mais il était un érudit et maniait les mots avec aisance.
Une certaine complicité s’était établie entre les deux hommes, un respect mutuel non dénué d’affection qui avait pourtant du mal à s’affranchir de la différence de statut social.
Hérode Antipas était tétrarque de Galilée et de Pérée, Jean n’était… rien. Même s’ils étaient de plus en plus nombreux à le considérer comme un prophète. Sa proximité avec le tétrarque et l’aura qu’il possédait sur les humbles attirèrent à lui les rénovateurs. Ce fut peu après que quelques-uns de ces jeunes gens qui trouvaient la pression des prêtres et le comportement de la classe dirigeante insupportable devinrent ses disciples.
Pierre et Luc se mirent à parcourir les provinces, ramenant avec eux de nombreux fidèles en quête de rédemption, les baptêmes dans le Jourdain devinrent un pèlerinage drainant de plus en plus de monde.
Ce fut encore Pierre, qui un soir, parla de renverser les prêtres et d’établir la nouvelle parole.
La même nuit, Jean rêva du mont Golgotha et des trois croix. Dans son rêve, il apercevait le mont au loin et il s’approchait vers la lumière, ce ne fut qu’au pied des crucifiés qu’il reconnut son propre visage sur les trois suppliciés.
Un parchemin avait été cloué sur le poteau de la croix centrale, Jean fils de Dieu. Le liquide qui s’écoulait de son flanc était de l’eau, qui au sol formait un ruisseau et s’en allait rejoindre un fleuve en contre bas. Un fleuve où d’autres hommes se noyaient.
Il s’était éveillé haletant et en sueur. Avec le temps, il avait appris à reconnaître la nature prémonitoire de ses rêves. Il allait mourir et il avait peur.
Il espérait qu’il existe un ailleurs après la mort, il priait pour que ce paradis qu’on lui promettait fût davantage qu’une chimère. Il n’était pas un prophète, moins encore un politicien, le pouvoir ne l’intéressait pas, être le fils de Dieu ne signifiait rien, tous les hommes ne l’étaient ils pas ?
Pierre, Luc et Judas insistaient pour qu’il les guidât, lui ne rêvait que de silence.
- Si le peuple guidé par Elie, revenu des cieux, se présentait aux portes du temple, les prêtres seraient bien forcés de céder devant la volonté de Dieu, avait dit Pierre.
- Nous pourrions même soulever toute la Palestine et rejeter les Romains à la mer si le Messie nous guidait. Peut-être est-il temps que celui-ci se montre. Jean, tu es un saint homme, personne ne t’a jamais vu commettre le moindre péché, tu ne consommes ni vin ni liqueur, ton corps est pur des tentations de la chair, tes prophéties se réalisent. Qui plus que toi, peut prétendre être le Messie ?
Judas était le plus politicien des six disciples qui dormaient avec lui sur les rives du Jourdain.
- Je ne suis pas le Messie ! Et je ne veux être rien d’autre qu’être un serviteur. Ce que tu appelles prophéties ne sont rien d'autre que des rêves. Je ne demande à personne de me croire et moins encore de me suivre. Je vais retourner dans le désert, les affaires des hommes m’ennuient, quant à celles de Dieu, elles me dépassent.
La Palestine était alors sous le contrôle de l'Empire romain. Une partie du territoire était dirigée par un roi juif, désigné par Rome. À la naissance de Jean, le roi se nommait Hérode le grand, il était déjà d’un âge avancé. Son royaume qui couvrait la plus grande partie de la Palestine fut divisé à sa mort entre ses fils, à l’exception de Jérusalem qui demeura sous la domination directe de Rome.
La Palestine, enclave culturelle aux confins de l'Empire romain, entretenait un particularisme farouche qui défiait les siècles et la civilisation romaine dominante. Très peu d'Hébreux connaissaient une langue autre que l'araméen oriental.
Rome gouvernait au travers de procurateurs ou de tétrarques. Les provinces pacifiées étaient administrées par un membre choisi par le Sénat et celles qui présentaient encore des problèmes, étaient placées sous la gestion directe de l'empereur qui choisissait lui-même le gouverneur.
Alors que la Judée était province romaine, la Galilée relevait de l'autorité d’Antipas, qui faisait précéder son nom de celui de son père. Hérode Antipas, comme le stipulait son titre de tétrarque, administrait le quart du royaume selon la répartition testamentaire d'Hérode le Grand.
Quand il annonça son souhait de se retirer dans la solitude, les disciples de Jean ne voulurent pas le laisser quitter les rives du Jourdain.
- Tu es Jean le baptiste, tu prêches la parole nouvelle, celle d'un Dieu d'amour et de miséricorde. Tu as mission de purifier les fidèles des péchés du monde. Regarde ces gens qui affluent de toute la Palestine, ils sont venus parce que tu leur donnes l’espoir d’un pardon. Ils te vénèrent parce qu’ils ont foi en toi, tu ne peux les décevoir. Tes rêves sont un don de Dieu qui te donne des responsabilités.
- Je n’ai pas voulu cela. Tu te trompes Pierre, mes rêves ne sont pas un don, ils sont une malédiction. Il n’y a pas d’espoir, Dieu ne pardonne pas, il est indifférent. Il ne punira pas les hommes, il effacera simplement une œuvre imparfaite par l’eau et par le feu, la terre tremblera engloutissant l’espèce humaine, l’air lui-même deviendra irrespirable, ceux que la famine n’aura pas desséchés ne pourront plus enfanter, et ceux qui le pourront encore ne parviendront plus à nourrir leurs enfants. L’alliance avec le patriarche Noé n’existe plus. Je ne sais pas s’il en existera une autre, je ne veux pas le savoir.
C’est Judas qui eut l’idée du précurseur et peut-être qu’en cette occasion il changea le destin du monde, car Jean eut la perception d’une lueur autour de son disciple pendant que celui-ci parlait.
- Le Messie viendra racheter le péché du monde. Si tu ne veux pas être celui-là, nous en trouverons un autre. Il est dit que le Messie sera précédé par le précurseur qui naîtra six mois avant lui et qui annoncera sa venue. C’est le précurseur qui le reconnaîtra et qui le désignera comme l’agneau de Dieu. Jean, les gens te croiront si tu reconnais comme le fils de Dieu celui que l’on te désignera. Fais-le et tu retrouveras la paix de l’âme, nous te serons à jamais reconnaissants. L’histoire ne l’oubliera pas.
Jean s’était alors levé et avait marché sur les chemins de poussière. Pendant six jours et six nuits, il s’isola au cœur du désert, il jeûna pour clarifier son esprit. Son sommeil fut peuplé de rêves si nombreux qu’il dut les noter. Quand il revint sur les rives du Jourdain ses disciples l’attendaient anxieux et impatients de connaître sa décision.
- Judas, je serai donc ce précurseur que tu réclames, je le ferai en priant pour que ce fût l’éternel qui t’en souffla l’idée.
- C’est une grande nouvelle Jean. Jacques est revenu de Nazareth ce matin, il nous apporte lui aussi une bonne nouvelle. Un de tes cousins, le fils de Marie a accepté de nous guider. Avec lui, nous construirons une église nouvelle. Voyant ce que nous avons accompli Dieu nous accordera son pardon et renouvellera l’Alliance ancienne.
- Peut-être le fera-t-il, je le souhaite. Mais je peux te dire que tous ne seront pas unis dans son salut. Fais venir celui que je précède, et puisse le ciel pardonner ce qui sera le seul mensonge de mon existence. Judas, j’ai rêvé que les hommes se souviendront de nous.
- De moi aussi ? Précurseur.
- Particulièrement de toi Judas.
Cela faisait plus d’un an déjà, et la nouvelle s’était rependue comme un nuage de sauterelles. Des échos lui revenaient de Cana, de Tibériade, de Nazareth, de Jérusalem, partout l’on parlait de miracles et de foules en délire.
Jean avait reconnu et baptisé le sauveur, et il avait apprécié le calme qui avait suivi. Si de nouveaux fidèles avaient afflué sur les bords du Jourdain, on ne lui réclamait plus de prophéties, on ne lui parlait que de son cousin.