Premier Chapitre
Chapitre 1 : Un éclat de lumière* *
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Fin Août 1960 /Thevet
Le glas résonnait dans tout le village et les portes de l’église s’étaient ouvertes pour laisser sortir le cercueil suivi des quelques personnes qui s’étaient déplacées pour suivre la cérémonie.
Sur la place sans arbre, la chaleur était accablante et la lumière éclatante. L’enterrement, lentement, se dirigeait maintenant vers le cimetière, faisant s’arrêter, en se signant, les rares passants de cet après-midi brûlant de la fin de l’été. Un été qui n’en finissait pas d’attraper le soleil et la lumière du ciel comme s’il ne se décidait pas à céder place aux journées plus courtes et à la douceur colorée des magnifiques paysages de l’automne qui, lentement, arrivait.
Une très vieille dame, d’une élégance un peu surannée, s’abritant sous une ombrelle de toile bistre portée par une main gantée de dentelle noire aux lourdes bagues d’or, se tenait, immobile, droite, sur le côté des hautes grilles.
Elle observait.
Vêtue d’une longue robe de tissu soyeux qui flottait sur ses bottines de cuir sombre, le rouge de ses lèvres fardées formant une tache écarlate entre ses foulards multicolores avec lesquels elle retenait un grand chapeau de fine paille blanche, elle semblait être sortie tout droit d’un tableau de l’un de ces maîtres impressionnistes du siècle passé.
Sans un mouvement, elle suivait des yeux un homme, jeune encore, aux cheveux pourtant déjà gris, qui l’ayant aperçue, lui jetait parfois un regard étonné. Quand il eut reçu les quelques condoléances d’usage, lentement, elle s’avança vers lui.
— Vous êtes Pierre, n’est-ce pas ? Le fils d’Alexandre ? Vous êtes le petit-fils de Marie ?
De plus en plus surpris, l’homme acquiesça d’un signe de la tête.
Tous les deux se regardaient, silencieux.
— Marie était mon amie. L’amie de toute mon enfance. Elle était un peu plus âgée que moi mais nous avons longtemps été si proches.
L’homme ne répondait pas, ne bougeait pas.
— Elle a été ma meilleure amie, je crois. Peut-être même, ma seule et véritable amie. Ensuite elle est partie à Paris et nous ne nous sommes plus revues. Pourtant, nous nous étions promis de veiller l’une sur l’autre… mais la vie n’est-ce pas… Et puis, qui aurait pu croire ? termina la vieille dame dans un souffle, cherchant à s’abriter un peu du soleil brûlant sous les branches du gros sapin qui était ici depuis la nuit de temps.
L’homme ne répondait toujours pas. D’un geste lent, il essuya la sueur qui perlait à son front.
— C’est étrange cette chaleur, continua la vieille dame, savez-vous ce que l’on avait toujours raconté à Marie ? Que le jour de sa naissance, il pleuvait de façon torrentielle et que de mémoire d’homme, on n’avait jamais vu de trombes d’eau aussi gigantesques. Elle disait, en souriant, qu’elle espérait que cela n’avait aucune signification prémonitoire. Avec ce petit sourire en coin qu’elle prenait lorsqu’elle ne voulait pas que l’on sache si elle plaisantait ou si elle pensait vraiment les choses qu’elle venait de dire. Je ne sais quel signe elle aurait pu voir aujourd’hui, le jour de l’enterrement de son fils mais, décidément, les éléments semblent aimer se déchaîner autour d’elle et de ceux qu’elle aimait.
L’homme la regardait toujours, les mâchoires serrées.
La vieille dame posa doucement sa main sur son bras : « Mais pour ce qui était de ce temps terrifiant et dantesque du jour de sa naissance, je crois pouvoir vous dire que cela n’avait pas semblé, alors, pour les siens, avoir beaucoup d’importance. Cette naissance, ils l’attendaient tellement ! Ce fut une période bénie, vous savez, que celle de son enfance. Ce fut … le temps des rêves. Après… cela n’a pas été tout à fait pareil, bien sûr !... Le destin s’est déchaîné… terriblement et rapidement déchaîné.
1860 /Thevet –100 ans plus tôt
Dans le village de Thevet, en plein cœur du Berry, depuis la veille de ce jour du 22 septembre 1860, un vent violent, s’engouffrait en rafales, transformant en torrent glacé la pluie qui s’abattait avec acharnement. Une pluie dure qui dénudait les branches des arbres et chassait les couleurs de pourpre et d’or que le dernier soleil d’été y avait accrochées. Elle transformait le bourg en un dessin sombre, comme tracé au bâton de charbon de saule ou de fusain qui venait de ressurgir d’un passé lointain et plaisait aux artistes pour travailler, entre les différentes teintes de gris, la lumière d’un paysage ou la courbe d’un visage.
— Oh ! C’est que tu plies bagages ? cria l’homme, de derrière son étal, à sa voisine de marché pour se faire entendre malgré la pluie et le vent.
— Oui, je rentre me mettre au chaud. On va finir par attraper la mort à rester en plein vent. C’est une véritable tempête qui nous arrive-là ! Je crois bien que je n’ai pas vu une chose pareille depuis le commencement de mes jours !
— Cours ma belle ! reprit l’homme. La mort, elle t’attrapera bien quand elle le voudra !
— On va faire en sorte que ce soit pas pour aujourd’hui, répliqua la femme sans lever la tête, dans ce langage serré des campagnes qui avait pris racine dans des dialectes oraux et n’avait que faire de toutes les considérations d’une langue française qui commençait à s’imposer pour unifier un pays morcelé par des frontières immémoriales.
C’est là, dans ce petit bourg oublié de l’agitation d’un monde en pleine mutation, que Marie, fille de Louise, s’apprêtait à naître. Débaptisé à la Révolution de son nom de Saint-Julien de Thevet, il avait reçu des « autorités » celui de Thevet-les étangs. Mais les habitants, farouchement repliés sur leurs habitudes, avaient refusé d’en user et le nommaient maintenant, tout simplement, Thevet. Ils continuaient, aussi, à se dire « habitants du Berry », cette province du cœur de la France dont les contours incertains s’étaient coulés pendant des siècles entre les rivières de l’Indre et de la Creuse et qui avait été démantelée, comme toutes les autres, lors de la création des départements. En ces années de fin de XIXème siècle, on était encore fier de naître, de vivre et de mourir en portant haut le nom du village et de la terre de ses ancêtres.
On était un samedi, jour de marché. Il était bientôt midi et les quelques marchands qui avaient courageusement affronté le matin pluvieux, repliaient en hâte leur marchandise protégée tant bien que mal par l’épaisse toile de grands draps tendus. Les dernières ménagères qui, espérant une accalmie du ciel, avaient tardé à s’élancer sous la pluie, regagnaient vivement et silencieusement leur demeure.
— A samedi prochain, n’oubliez pas mon galon de velours ! cria une jeune femme qui courait presque, tête baissée sous les rafales d’eau poussées par le vent.
— Pas de soucis ! C’est comme si c’était fait. Et tu verras, c’est du beau !
— Je n’en doute pas une seconde. Et gardez-vous bien !
Les allées du marché étaient maintenant presque vides. Seules quelques vieilles femmes, finissaient de traverser la place, serrant religieusement leur cabas contre l’écharpe de laine sombre, tricotée d’un point serré, dont elles s’étaient, avant de sortir, soigneusement entouré la tête et les épaules. Le calme, peu à peu revenait. Le bruit lancinant de la pluie recommençait à se couler dans le paysage de nouveau désert. Chacun, derrière ses vitres, guettait le gris plombé du ciel et surveillait les vagues de feuilles mortes que le vent emportait. Elles s’amassaient sur les rebords des fenêtres, sous les volets disjoints et dans tous les coins et les recoins où il semblait tant aimer les accumuler. Il faudrait bientôt aller les y dénicher et en faire de gros tas que l’on brûlerait ou que l’on irait déposer, précautionneusement, au fond du jardin. Transformées d’ici les beaux jours en cendres fines ou en terreau nouveau, ces feuilles perdues aideraient alors la belle machinerie de la nature à reprendre ses droits. Les froides saisons offriraient ainsi à la terre leur part de travail au renouveau de ce printemps qui guettait déjà, à n’en pas douter, les premiers rayons de soleil. En silencieuse gestation, le monde se préparait à faire revivre ses merveilles. Bientôt, pour quelques secondes de paix et de joie revenues, les regards se poseraient sur les bourgeons rougeoyants de la vigne et sur les premières fleurs écloses des fossés encore engorgés d’eau.
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— Alors ? Il est arrivé ce nouveau-né ? demanda l’homme qui n’avait pas tardé à suivre l’exemple de sa voisine de marché et s’était hâté, lui aussi, de replier, son étal.
Ayant trouvé refuge dans la salle du petit bistrot qui s’était vite remplie, il se réchauffait d’un verre de gnole qu’il avalait avec délectation. « La Mère Solange, elle en a bien fini quand-même dans la maison des Lorilloux ? » ajouta-t-il, un peu surpris devant les airs perplexes de ceux qui l’entouraient.
Il était maintenant près de midi et il y avait plus de cinq heures que la vieille femme était passée, emmitouflée dans sa grande et lourde cape noire. C’est du café de la place qu’on l’avait vue en premier, les sept heures à peine sonnées. Elle montait péniblement la rue qui menait à l’église et on avait pu la suivre longtemps du regard, petite virgule sombre claudiquant sous le poids de son gros sac de cuir. Sans jamais se donner le temps d’un arrêt pour reprendre courage, elle avançait. C’était comme si, lancée dans un mouvement dont elle avait elle-même, avec soin, défini le rythme, elle savait qu’elle pouvait aller, sans soucis, jusqu’au bout de son chemin, aussi long et aussi pénible soit-il.
Toute la matinée, dans le petit café, on avait prévenu joyeusement ceux qui en franchissaient le seuil : il n’allait pas tarder à y avoir un « petit » de plus au village. Et à chacun de trinquer haut et clair « au dur travail de la Mère », tous hochant bas la tête comme pour chasser les souvenirs que faisaient naître en eux chaque nouvelle naissance. Souvenirs de leurs craintes et un peu sans doute de leurs remords d’homme de n’avoir rien su partager de ces douleurs mystérieuses de l’enfantement.
« C’est sûr qu’on n’aurait pas appelé la Mère Solange par un temps pareil si ce n’était pas sur le point d’arriver ! » avait dit l’un, encouragé par le mouvement de tête des autres qui en disait long sur le respect accordé à leur accoucheuse.
Depuis presque cinquante ans qu’elle exerçait sa dure et noble tâche, c’était elle, en effet, la Mère Solange, qui avait accueilli entre ses mains expertes, la plupart des habitants du village, jeunes et moins jeunes, et, comme on le disait souvent, « certains lui devaient même d’être là pour trinquer ».
Elle avait largement passé l’âge d’aller ainsi, quelle que soit l’heure et quel que soit le temps, par les routes et les chemins, surtout qu’elle s’était mal remise d’une mauvaise grippe de l’hiver passé. Mais la vieille femme, sans fille ni parente à qui transmettre son savoir comme il était d’usage, ne refusait jamais d’aller secourir une femme « dans la misère de sa condition ». Et, encore une fois, en ce matin blafard, c’est elle qui mettrait au monde ce bébé nouveau qui venait de s’annoncer. Elle savait que cela ne pouvait en être autrement puisque telle était sa mission sur terre, mission transmise par sa mère comme le voulait la coutume ancestrale de sa fonction.
Elle était loin de se douter que, vingt ans plus tard, cette petite fille qu’elle allait aider à naître, l’appellerait au secours. Loin de se douter aussi que l’Eglise, qui lui faisait à ce moment mille grâces, cherchant à percer un secret que son devoir lui dicterait de garder, surveillerait un jour ses allées et venues et que celui qui en serait chargé ne saurait dire qu’une phrase en latin pour exprimer secrètement ses vilaines pensées : « Bis repetita sed non sunt idem » ! Ce qui, en langage commun, voulait bien signifier qu’il n’était point aveugle, qu’il avait tout compris et que les choses se répétaient peut-être mais que ce n’était pas pour autant qu’elles se ressemblaient.
Mais en ce jour pluvieux de début d’automne 1860, personne, et surtout pas le curé, n’y trouvait à redire. Elle se sentait pourtant déjà bien vieille mais puisque nulle remplaçante ne se profilait à l’horizon de la vie du village !...
Et il n’y avait là rien de bien d’étonnant : c’était lui, le vieux curé, qui, avant d’abandonner définitivement sa paroisse pour rejoindre, au vu de son âge canonique, son village familial, avait pris les choses en mains. Il se sentait en charge d’une lourde responsabilité et il était loin d’être prêt à accepter n’importe quelle candidature. « Avec lui, c’est sûr que la Mère Solange, elle n’est pas près de la trouver sa remplaçante ! » disait-on parfois, n’hésitant jamais à ajouter, se souvenant des années où les prêtres, après les années de l’instauration de la République, étaient, un à un, revenus dans les campagnes : « Fut un temps où, c’est sûr, il aurait moins pinaillé ! »
C’est que l’on avait vite oublié que, suite aux évènements de 1848 qui avaient jeté, pour la seconde fois depuis la Révolution, les prêtres hors des villes et des campagnes, le village tout entier s’était rassemblé autour de son maire pour demander que l’église de Thevet puisse, de nouveau, ouvrir ses portes. Et tous de trinquer à ce curé nouvellement arrivé, un peu âgé déjà peut-être, mais qui avait tout de suite paru à tous fort convenable. Comment ne pas être en accord avec ses cols amidonnés de frais chaque dimanche, sa démarche lente qui faisait osciller sa soutane au bas toujours couvert de poussière et son air d’être revenu du temps passé ? Mais surtout, il avait su apporter à la Matrone du village le même soutien et le même respect que chacun, ici, lui vouait depuis toujours.
Il n’était donc pas très honnête aujourd’hui, d’attendre de lui quelque joyeuseté dans le regard ou dans la voix lorsque l’on venait à l’entretenir du choix de sa remplaçante. Comment remplacer cette vieille femme avec qui il se trouvait être en si parfaite harmonie, ce qui n’était, somme toute, pas chose si courante dans beaucoup d’autres communes ?
C’est qu’être accoucheuse en titre d’un village, signifiait, depuis toujours, l’être aussi devant l’Eglise. Faire naître les petits des hommes ne revenait-il pas à faire naître les enfants de Dieu ? Il fallait donc, pour cette difficile mais noble tâche, être avant tout bonne chrétienne. Et si on ne demandait à la postulante ni de savoir lire, ni de savoir écrire, ni même de pouvoir apporter les preuves de ses compétences en médecine et en hygiène, encore fallait-il être bien certain de ses grandes qualités religieuses. N’était-ce pas elle qui, dans un accouchement risquant de mal tourner, se trouverait en devoir de réciter les paroles sacramentelles s’il fallait en urgence ondoyer le nouveau-né ? En latin si possible et en évitant toute déformation de la formule : Ego te baptizo in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, signifiant « je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »
La Matrone, chargée d’ouvrir les portes du Ciel à un petit d’homme qui n’avait pas encore vu la lumière du jour, avait donc une énorme responsabilité morale tant envers la famille qu’envers le prêtre qui lui confiait un peu de sa mission divine. Mais il y avait pire. Avec les remous sociaux, la tradition du serment religieux qui lui était demandé et qui, pendant des siècles, avait assuré aux prêtres une certaine sérénité, avait commencé à se perdre. On ne pouvait donc plus se fier qu’au bon esprit des candidates et à leur parfaite honnêteté pour être bien certain qu’elles partageaient les idées dictées par la religion sur l’aspect le plus important de leur fonction : le respect de la vie dès les premiers signes de son apparition. Dieu seul ayant le pouvoir de décision sur le droit de naître ou de ne pas naître des petits des hommes de cette terre, en aucun cas il ne pouvait être question de laisser quelque action païenne intervenir pour servir les noirs desseins de « femmes irresponsables ».
L’une des lourdes responsabilités de ces saintes femmes était donc de faire savoir immédiatement au prêtre les naissances annoncées. Et de surveiller les pratiques illégales qui s’utilisaient au fond des maisons sombres. Ne s’agissait-il pas, disait-on alors, de parvenir à contrer, enfin, ce grand danger qu’avaient encouru des générations de femmes se fiant aux secrets de la fabrication de breuvages abortifs ou de procédés douteux s’avérant souvent mortels ? Il fallait tout surveiller, jusqu’à l’utilisation de cette plante aux vertus si multiples, l’armoise. Appelée mère des simples lorsqu’après une lente macération on la donnait pour calmer les crises d’épilepsie elle prenait le nom d’herbe de feu lorsque l’infusion de ses sommités fleuries – dont la recette se transmettait depuis des siècles – était avalée très chaude, bouillie dans du vin blanc pour déclencher le rejet d’un embryon condamnable et, de par ce fait, condamné.
Pourtant, la médecine commençait à regarder tous ces petits arrangements entre la loi et la religion avec un vif agacement. Certes on ne demandait plus aux accoucheuses, dès les premières douleurs de l’enfantement, de lire à haute voix les paroles destinées à la Vierge et à Ste Marguerite mais il était encore de bon ton qu’elles en fassent usage. Ainsi délaissaient-elles, même si les choses avançaient mal, les procédés plus techniques développés en médecine, ce qui heurtait violemment les idées modernes arrivant tout droit des hôpitaux de Paris. Les reproches commençaient à pleuvoir sur elles d’autant que presque toutes avaient déjà refusé, des années auparavant, de suivre la formation recommandée pour l’obtention d’un diplôme bien spécifique, celui du brevet royal d’accouchements.
On avait proposé, demandé, insisté. On avait même tout tenté pour les convaincre. Rien ne semblait vouloir les y décider.
Il allait sans doute falloir attendre encore un peu pour que la médecine destinée aux femmes mais faite par des hommes, parvienne à prendre en mains le problème de la maternité et que l’hygiène prévale sur la chrétienté. La profession brevetée de sage-femme allait peiner à acquérir une reconnaissance officielle.
Une lourde nécessité apparaissait donc de plus en plus clairement : si les femmes continuaient à ne pas se précipiter plus que cela pour obtenir la reconnaissance légale de leur travail, on se verrait obligé de leur enlever le droit d’exercer. Tout était parti de Paris. L’idée avait germé face à la mortalité élevée des femmes en couches : il allait falloir confier la charge des naissances à des hommes.
La mode des accoucheurs n’était pas loin d’être lancée. Mais c’est de Paris aussi, que, brusquement, les choses s’étaient s’accélérées.
Cela avait fait suite à une terrible épidémie de fièvre puerpérale arrivée justement au printemps de cette année 1860, dans les services hospitaliers. L’affaire était d’importance. La fièvre n’avait-elle pas décimé, dans des crises de démence absolue, des centaines de femmes pourtant jeunes et fortes ? Elle les avait sorties de leur lit, pleines d’hallucinations et de délires et avait fini par les clouer dans des camisoles de force, tout cela dans des hurlements qui s’entendaient jusque dans les rues alentour.
Celle que l’on nommait la Peste noire des mères parce qu’elle apportait la mort en noircissant le visage des jeunes accouchées, allait pourtant sauver la vie de générations de femmes et d’enfants à venir : il devenait impossible de ne pas se pencher véritablement sur le sujet.
La chambre des femmes s’ouvrait au savoir-faire de la médecine.