Premier Chapitre
Chapitre 4 : Marquée à vieUne fois de plus, la nuit était étouffante. Les rues étaient désertes et d’un silence de cathédrale. Personne. Pas de croassement des corneilles, pas de soirées estivales. Seuls étaient audibles le léger son lointain des climatiseurs des maisons privées. Ce son mécanique et le cliquetis de l'eau tombant au sol. Dayton dormait à poings fermés.
Chez les KEAN, la chaleur était suffocante. Mme KEAN avait eu la bonne idée d'équiper son magasin, mais avait omis de le faire pour son propre foyer, ce qui lui valait bien souvent quelques piques de sa fille. Toutes les fenêtres étaient entre-ouvertes. La famille KEAN tentait de faire entrer une fraîcheur inexistante venant de l'extérieur. Malgré les avertissements de sa mère, Moïra laissait le ventilateur tourner durant la nuit. L'appareil brassait, non pas de l'air froid, mais l'air chaud ambiant. Néanmoins, Moïra s'endormait avec le sentiment que le vent émis par l'engin rafraîchissait la pièce. Toutes les deux étaient couchées depuis quelques minutes et chacune dormait d'un sommeil profond. Moïra ne dormait jamais dans le noir total, non pas qu'elle est crainte l’obscurité, mais sa déco apportait une certaine luminosité. Les étoiles fluorescentes du plafond reflétaient dans l'obscurité. Moïra avait exigé de les coller lorsqu'elle avait huit ans. C'était trop cool, à l’époque. Il s'agissait également du moment où elle se voyait astronome, à la recherche de réponses aux questions que personne ne se pose, dans le ciel noir de Dayton. Elle avait décidé, il y a déjà quelques années de les enlever, prétextant qu'elle n'était plus une enfant, cependant, mois après mois, elle s'était résolue à les laisser. La couette posée sur le côté, Moïra dormait sur le dos, la bouche ouverte et émettait un léger sifflement.
Un clair de Lune pénétra dans sa chambre. Un léger souffle frais venu d'ailleurs s'immisça dans la chambre, passa à proximité de l'armoire, longea le bureau, faisant bouger quelques feuilles et se focalisa sur le lit de Moïra. Une forme se matérialisait. Approchant mètre après mètre, cette brise innocente prit une forme distincte. Une main. Cette main, désormais visible et constituée uniquement de ce courant d'air atteignit le lit où Moïra dormait paisiblement. À l'instant où la forme toucha la peau de Moïra, sur le bras de son bras droit, un cercle se dessina. La main s'évanouit dans les airs, redevenant la simple brise des secondes précédentes. Sans ressentir aucune douleur, Moïra restait endormie, toujours dans les bras de Morphée. Progressivement, les lignes du cercle si fin, quasi invisible au départ, s'affinèrent et créèrent un symbole. Un compasse à huit branches entourées d'un cercle fin. Quelques secondes plus tard, la brise disparue totalement et laissa de nouveau entrer la chaleur extérieure. L'obscurité reprit le pas dans la chambre de l’adolescente. Seul un éclat bleu vif provenait du bras de Moïra et éclairait la pièce.
***
00 h 01.
Le portable de Moïra se mit à vibrer et à sonner. La première vibration d'une longue suite. Deux, trois, puis quatre messages. Les notifications de ses réseaux sociaux favoris s'activaient dans une certaine cacophonie, chaque application ayant sa propre sonnerie. Tout se mettait à interagir. Le portable continuait cette improbable symphonie durant les minutes suivantes. Moïra ouvrit une paupière, la seconde trop fatiguée pour répondre. Elle regarda brièvement son portable, puis se rendormit sans même réussir à lire les intitulés des messages.
00 h 15.
Douze messages, vingt-deux notifications. Cela n'arrivait que deux fois dans l'année. La première pour fêter le Nouvel An et la seconde pour son anniversaire. Elle avait officiellement 14 ans. "Joyeux anniversaire ma vieille" - songeait Moïra avant de reposer son portable. Elle ne comptait pas commencer sa quatorzième en répondant à ses amis à cette heure tardive. Cela attendra le début de matinée. Après tout, s’ils voulaient tellement lui souhaiter, ils se seraient arrangés pour être présent ce jour. Moïra se rendormit, avec une petite douleur dans le bras droit, mais n’y prêta pas attention.
La matinée était bien avancée quand Moïra se réveilla. Comme à son habitude, elle ne se souvenait pas des rêves de la nuit. Seul un son étrange lui revint à l'esprit. Avant de répondre à ses amis, ce qui allait probablement lui prendre un temps conséquent, Moïra décida de commencer sa routine habituelle du matin : toilette, douche, séchage, petit-déjeuner. Ce matin, elle était seule à la maison, sa mère assurait l'ouverture et la fermeture du magasin. Prenant son courage à deux mains, elle se déshabilla et enfila son peignoir bleu. Direction la salle de bain. La pièce était au premier étage, à proximité des deux chambres, celle de Moïra et celle de sa mère. Moïra longeait le couloir, encore entre le sommeil et l'éveil, l'itinéraire parfaitement enregistré dans ses habitudes, en pilote automatique. Comme chaque année, Moïra avait une petite tradition pour son anniversaire. Face au miroir de la salle de bain, elle scrutait son visage, à la recherche de nouvelles rides ou bribes de vieillesse. Ses cernes étaient toujours présents sous ses yeux émeraude et mettraient plusieurs heures à se résorber, preuve qu'elle n'avait pas totalement récupéré le sommeil des dernières nuits. Moïra réalisait de nombreuses grimaces, activant tous les muscles de son visage et fut satisfaite de voir qu'il n'y avait pas d'évolution depuis la veille. Fini la période de l'enfance sur le visage. Elle devenait une adolescente à part entière ! Au moment où elle se déshabilla pour entrer dans la douche, elle aperçut un hématome qui n'était pas présent la veille sur son bras droit. Se rapprochant du miroir pour une meilleure analyse, Moïra n'en croyait pas ses yeux.
– Qu'est-ce que c'est que ce ****** ?!" – pesta Moïra, un brin de panique dans sa voix.
Le long de son bras droit, sous le biceps, se tenait une marque blanche. Il ne s'agissait pas d'un hématome comme elle avait cru l'apercevoir. Elle examinait de plus près son bras, se frottant les yeux comme pour ajuster sa vision.
– Un tatouage ?! - s'interrogeait l’adolescente - comment est-ce possible ?
Elle n'avait aucun souvenir et aucune explication justifiant l'apparition de cette marque. De plus, jamais elle ne serait jamais allée dans un salon de tatouage, la vue des aiguilles lui aurait fait tourner de l'œil. Une autre chose l'intriguait. Moïra avait déjà vu des tatouages, dans les films, dans les magazines. Ses acteurs et chanteurs préférés en portaient souvent. Gaby, sa meilleure amie, en avait un. Cependant, elle se souvenait que son amie n'avait pas pu toucher son tatouage pendant plusieurs semaines sans ressentir une certaine douleur ou une gêne. Moïra touchait son bras avec hésitation, passant ses doigts sur sa peau. Un léger relief se dessinait sous des doigts, à l'endroit exact où se tenait le symbole. Contre toute attente, elle ne ressentait aucune douleur. La marque, contrairement à de nombreux tatouages, n'était pas noire, mais blanche, telle une brulure. Cette marque semblait avoir été gravée au fer rouge sur son bras il y a de nombreuses années et sa peau avait cicatrisée, laissant ces symboles intacts. Néanmoins, jamais elle ne l'avait remarquée et elle était convaincue que cette cicatrice était invisible la veille au soir. Une forme se distinguait. Regardant encore de plus près, se rapprochant encore un peu plus du miroir, Moïra se rendait compte que la forme était plus précise qu'elle ne l'avait imaginé. D'une dizaine centimètre de diamètre, elle ressemblait à un flocon de neige à huit branches, où chacune d’entre elle se prolongeait par un symbole différent. Un cercle fin, parfaitement dessiné, entourait les symboles. Elle n'avait jamais vu de forme de ce type et ignorait sa signification.
« Je dois encore rêver, je dois juste me réveiller, c'est impossible. Allez Moïra, on reconnecte les neurones et on se réveille - songea Moïra à voix haute.
Comme elle avait pu voir dans de nombreux films, l’adolescente se pinça la peau, se baffa les joues mais rien ne se produisit. Elle était toujours devant sa glace et le symbole était toujours ancré dans sa peau.
– C’est impossible…
Moïra cherchait rapidement des solutions et imaginait la discussion qu'elle aurait avec sa mère, le jour où elle verrait cette marque.
– Oui M-man, tu ne me croiras jamais ... il s'agit d'un tatouage instantané, apparu comme par magie ce matin et je ne me souviens pas l'avoir fait. Elle va me zigouiller ! Jamais elle ne croira cette histoire loufoque... Réfléchit, réfléchit, la marque de l’oreiller ? Bien sûr, tout le monde à un oreiller avec cette forme chez soi. Non, non et non.
Moïra réfléchissait.
– Peut-être un tatouage temporaire – conclu-elle pour se rassurer.
Sautant dans la douche, Moïra activa le jet d'eau et cibla son bras droit. Elle essaya tous les produits à sa disposition, passant du gel douche au shampoing solide, de la crème exfoliante au savon de bain, mélangeant les odeurs et les saveurs sous l’eau chaude. Elle frotta avec sa main, puis avec son gant de toilette, mais rien n'y faisait. Sa peau devenait rouge, mais le symbole était toujours là malgré les efforts de Moïra. Si le tatouage avait été temporaire, il ne serait déjà plus sur son bras. Il ne s'agissait donc pas d'un de ces fameux tatouages surprises de ses chewing-gums.
« Un tatouage de dix centimètres dans un bonbon, tu délires ma vieille. Il y a forcément une raison. Obligatoirement – pestait Moïra dans sa douche. »
Continuant de se laver, Moïra se remémorait les évènements de la veille, à la recherche de ce qui lui échappait pour comprendre le mystère autour de ce symbole. Il n'y avait pas eu d'élément particulier. Elle avait travaillé au magasin toute la journée, avait profité de la pause pour faire un appel visio avec Max et Gaby, tous deux absents et en peine de ne pas les voir. La soirée avait amené à la longue discussion avec de sa mère sur sa propre histoire, son voyage et sur sa rencontre avec Jack, son père biologique. Après s'être réconciliées, elles avaient partagé un plateau-repas et s'étaient posées devant la télé. Elle était quasi persuadée de s’être endormie devant le film. Moïra n'avait plus de souvenirs sur le passage du canapé à son lit. Cependant, elle portait bien avec son pyjama lors de son réveil. Était-elle montée seule ou quelqu'un l'avait aidée ? S'était-elle déshabillée toute seule ? Probablement sa mère l'avait assistée conclu Moïra. Habituellement, elle ne se serait pas posé la question, mais l'apparition mystérieuse de cette marque lui faisait perdre pied. Un dernier élément allait mettre toutes ses hypothèses à l'eau. Moïra se souvenait que Gaby avait dû prendre cinq bus et plus de trois heures de trajets pour trouver le premier tatoueur ouvert dans le secteur. Elle avait également dû porter pendant plusieurs jours une espèce de film alimentaire sur son tatouage, tout ça en essayant en vain de le cacher à ses parents. Ils avaient tout simplement menacé de la mettre en pension jusqu’à sa majorité en voyant la marque sur son mollet. Une colombe blanche tenant une branche d’olivier, en hommage à son petit frère décédé d’une leucémie foudroyante.
– Deux-cents kilomètres - se disait Moïra - c'est impossible, six heures aller-retour, en pleine nuit, sans m'en rendre compte. Quels bus ? Comment ? C'est physiquement impossible ! Et bordel, pourquoi est-ce que ne ressens aucune douleur ? Comment cela a pu déjà cicatriser ? »
Les questions tapaient dans son crâne tel un marteau. Plus elle réfléchissait à une explication plausible, plus elle se confrontait à la réalité. Ce tatouage était apparu sans aucune raison, comme par magie. Moïra était plutôt terre à terre, elle ne croyait pas aux esprits, encore moins aux arts mystiques. Elle n'avait jamais accroché aux films fantastiques avec des super-héros. Elle appréciait plutôt les polars, les films à suspens. C’est en partie pour cette raison qu'elle s'obligeait à trouver une autre explication que "comme par magie". Sortant de la douche, Moïra inspecta une dernière fois la marque après séchage, au cas où elle disparaîtrait soudainement. Le symbole était toujours présent et le tatouage reluisait à la lumière du soleil. Remettant son peignoir, Moïra retourna rapidement dans sa chambre pour s'habiller.
« Il faut que je cache ce truc le plus tôt possible. Tant que je n'arrive pas à l'expliquer, il faut que personne ne le sache. Tout le monde me prendrait pour une dingo. Rrrrraaaa, il fallait forcément que cela tombe en pleine canicule. Quelle poisse ! »
Moïra attacha son soutien-gorge, enfila sa culotte et son jean, choisit un t-shirt à rayures blanches et rouges avec des manches 3/4 afin de cacher cette marque et éviter également que les gens lui demandent si elle se croyait en hiver.
– Cela fera l'affaire ! - se dit-elle - Bon, passons aux choses sérieuses ! »
Moïra descendit les escaliers deux par deux pour rejoindre le salon et la cuisine. Sa mère avait un dicton : "Pas de décision le ventre vide". Étrangement, c'était la première fois qu'elle le prenait au sérieux. Moïra prépara ainsi son petit-déjeuner habituel, à savoir flocon d’avoine, banane et lait d'amande. Une fois le mélange préparé, la banane écrasée, les flocons gonflés par le lait, elle se posa sur la table haute de la cuisine. Son portable sonna. Une énième notification. Un message de sa mère lui souhaitant un joyeux anniversaire. Avec cette découverte, Moïra en avait complètement oublié son anniversaire. Cuillère après cuillère, elle répondit à ses amis et regarda furtivement ses réseaux sociaux. C'est lorsqu'elle tomba sur une photo d'elle et de Gaby, son tatouage apparent, qu'une idée lui vint à l'esprit.
– Gaby a cherché pendant des semaines le croquis de son tatouage sur Internet ! Peut-être que la marque y est aussi… - espéra Moïra.
Malgré un gout prononcé pour le dessin et l'art, Gaby n'avait pas souhaité faire elle-même son croquis et s'était résolue à chercher directement sur les réseaux. Certaines applications permettraient de cibler rapidement des idées via quelques mots-clés. De cette manière, elle avait trouvé l'idée de sa colombe.
Moïra regardait l'heure. Dix heures trente. Gaby avait certainement fini son service du matin. Elle était même probablement en train de profiter des installations des transats de la plage. Première tentative d'appel, une sonnerie, deux sonneries, trois sonneries, puis le répondeur :
"Bienvenue les amis ! Je ne suis pas dispo pour le moment. Laissez un message ou pas, mais pas sûr que je vous rappelle. La bise."
Moïra ne laissa pas de message. Elle savait pertinemment que Gaby ne l'écouterait jamais. L’adolescente pestait. S’il y avait bien un moment où elle avait besoin d'un coup de main, c'était maintenant.
– Allez Gab ! Réponds bordel !
Second appel. Première sonnerie, seconde sonnerie :
– Allo ! Joyeux anniv ma belle ! Comment vas-tu ? Bienvenue dans le club des grandes - commençait Gaby, d'un ton taquin. La voix joyeuse, enjouée de Gaby soulagea immédiatement Moïra.
– Gabrielle, j'ai besoin de toi - répondit Moïra d’une voix grave.
C'était la première fois que Moïra l'appelait par son prénom, ce qui ajoutait une certaine tension dans la conversation et la réaction de son amie ne se fit pas attendre.
– Que se passe-t-il Moïra ? Tu me fais peur ?! Et depuis quand tu m'appelles Gabrielle ? Tu te prends pour mes paternels ? - répondait Gaby d'une voix légèrement tremblante.
Levant la manche de son t-shirt, Moïra regarda la marque sur son bras.
– Je me suis fourré dans un truc incontrôlable Gab. Je ne sais pas par où commencer. Tu vas me prendre pour une dingue, c'est clair. Il faut vraiment que tu me files un coup de main. Ma mère va me tuer ! - Moïra enchaînait les phrases à une vitesse affolante et fut rapidement à bout de souffle.
– Attends, attends. Déjà, première étape. La respiration ! Je n’ai rien compris. Commence par le début. Pourquoi tu m’appelles ?
Moïra entendait le roulement des vagues et les chants des mouettes à travers l'appareil. Gaby était bien à la plage comme elle l'avait supposé. Elle aurait tellement aimé échanger sa place avec la sienne.
– Comment as-tu fait pour trouver le croquis de ton tatouage ? Je me souviens que tu utilisais certaines applications".
– Alors madame veut se mettre aux tatoos maintenant ! Effectivement, ta mère risque de te tuer si tu en fais un ! - plaisanta Gaby - mais je ne vois pas le lien avec ton méga stress en mode furie ?
– En fait je recherche une forme bien précise... et je ne sais pas du tout comment faire. Je crains qu'en cherchant sur Google, je me retrouve avec quinze millions de résultats et que rien ne corresponde. Tu connais des tatouages blancs ?
– Une forme bien précise ? J'ai besoin de plus de détails pour t'aider. Évite les navigateurs de recherches, déjà, tu vas tomber uniquement sur les trucs à la mode, fait par tout le monde et du coup, par n’importe qui. Rien d'original ou de très artistique ! Alors je te conseille vraiment Arterest, une appli où tu recherches ce que tu veux par mots-clés, il y a un max de choix. Il me semble que tu peux également choisir par couleur, mais pourquoi blanc ? Et quel symbole ?
Moïra hésitait à dévoiler ce qui lui arrivait. Elle-même n'arrivait pas à comprendre ce qui se passait, alors son amie à des centaines de kilomètres d'ici ... Une idée lui vint à l'esprit.
– Gab, si ... j'avais une photo de ce que je souhaite, tu penses que, comment, je pourrais retrouver la signification via l'appli ? Quand je te dis que j'ai une idée bien précise, c'est que, j'ai déjà vu le tattoo et je voudrais comprendre son sens avant de ... le faire - mentit Moïra, sans réelle conviction dans sa voix.
– Je ne pense pas qu'Arterest propose cette option, mais c'est franchement une super idée ! On peut chercher ensemble. Il me semble que sur l'appli, on peut plus ou moins décrire ce que l'on souhaite. Tu peux me passer ta photo ? Il y a peut-être moyen de trouver un truc. Mais pourquoi étais-tu aussi paniquée ? Ça n'a pas de sens ma belle ! Crache le morceau. On se connaît depuis assez longtemps, pour savoir, toi comme moi, qu'il y a un truc qui déconne dans cette discussion. Qu'essayes-tu de me cacher ?
Moïra n'avait pas anticipé cette possibilité. Elle se voyait, petit à petit, acculée dans son mensonge et Gaby allait vite comprendre.
– Je vais te raconter. Je t'envoie la photo et tu comprendras pourquoi j'ai besoin de ton aide.
Moïra remonta sa manche et prit une photo de son bras droit, la marque toujours présente. Elle l'envoya aussitôt à Gaby. Moïra entendit une sonnerie qui devait être la notification de son amie, sur son propre téléphone.
– J'ai - répondit Gaby après quelques secondes - Stylée ! Mais, mais, attends, dis-moi, c'est ta cuisine non ?! Quoi ? Et c’est ton ? Oh punaise !
– Perspicace la petite Gaby. C'est bien ma cuisine et surtout c'est bien mon bras que tu vois !
– Mais tu t'es fait ça quand ? Pourquoi tu ne me l'as pas dit ! On y serait allé ensemble à mon retour ! Ta mère va te déplumer !
Moïra sentit un brin d'agacement dans la voix de son amie comme vexée que cela se soit fait sans elle.
– Le moment précis incompréhensible dans cette histoire... Je, je ne sais pas comment c'est arrivé. Je me suis réveillée avec ça ce matin. Je pensais à une mauvaise blague au départ, tu sais, un peu comme lorsque l'on te dessine sur le visage pendant que tu dors et que tu te réveilles avec des smileys, dans le meilleur des cas. Mais ça ne part pas ! J'ai eu beau frotter, utiliser tous les produits à dispo, démaquillant, eau micellaire, mais rien n'y fait.
– Qu'est-ce que c'est que ce truc ?! Genre, tu t'es réveillée et tu avais ça sur le bras ? Sérieusement ? Vu la taille du tattoo, tu dois douiller sévère ! Ta peau n'est même pas irritée !
– Justement, c'est aussi une autre interrogation ma Gab. Je ne ressens rien. Je n'ai aucune douleur. La peau semble quelque peu en relief quand je touche la zone, mais c'est tout[...]