Premier Chapitre
— Viens boire un verre avec moi ce soir. J’ai mon nouveau date à te présenter !— Qui ?
— J’ai ferré un mec. Il est riche, il est canon, le genre à qui tu peux faire un enfant direct.
Alexa prétexta être très occupée, car sa sœur, par moment, l’épouvantait.
— Alexa, ramène tes fesses !
— Non merci, débrouille-toi sans moi.
— Je fais dans le sérieux, en lui présentant quelqu’un de ma famille. Ne ruine pas mes plans. De toute façon, à part tes soi-disant recherches, qu’as-tu de plus important à faire ?
Alexa soupira. Comment refuser à sa sœur ? C’était une avocate, elle mènerait sa plaidoirie à bien, qu’elle le veuille ou non.
Alexa avait vingt-six ans, sa sœur Laura trois ans de plus qu’elle. Brillante avocate, elle côtoyait ce qui se faisait de plus riche et parfois de plus véreux dans le microcosme fiscaliste parisien. Elle ne tombait jamais amoureuse avant d’avoir vérifié que son date valait au minimum 200K à l’année. Comme en plus d’être intelligente, elle était belle, elle parvenait sans mal à ses fins. Cependant, Alexa n’appréciait pas son attitude : bien sûr, avec de l’argent, la vie était plus facile, mais comment faire l’impasse sur les sentiments ?
Laura ne s’embarrassait pas de telles futilités : fonder une famille, oui, mais avec un homme riche, un point c’est tout. Alexa rencontrait donc parfois certaines de ses cibles potentielles et elle n’aimait pas vraiment ce qu’elle voyait. Et encore, elle ne croisait probablement que les moins affreux… Si Laura n’avait pourtant pas toujours été vénale, ce défaut avait hélas pris des proportions démesurées. Mais c’était aussi la seule famille qui lui restait.
Le rendez-vous avait été donné dans un bar d’hôtel branché. Alexa ne supportait pas ce genre d’ambiance : on se prétendait design, haut de gamme, mais à vue de nez, c’était surtout un prétexte pour faire payer une bouteille de champagne au prix d’un SMIC.
Un coup d’œil circulaire lui permit de se rendre compte que sa sœur n’était pas encore arrivée. Alexa soupira en regardant sa montre. Pour une avocate, elle ignorait complètement le sens du mot ponctualité.
Heureusement pour elle, ce jour-là, Alexa avait donné un cours de TD, elle s’était habillée de manière formelle : haut blanc, pantalon crème et sandales compensées dorées. L’ensemble était de bonne qualité, même s’ils ne provenaient pas d’un grand couturier. Avec ces éclairages roses tamisés, cependant, nul ne devait s’en douter.
Elle s’installa au bar et se saisit d’une carte qui traînait là. Dix-huit euros pour un cocktail. Elle déglutit péniblement. Certes, elle gagnait sa vie, mais sa paie l’obligeait à vivre sans excès. L’idée de dépenser autant pour un simple verre la révoltait. Son esprit s’évada alors vers un concept économique, le prix de marché, la loi de l’offre et de la demande. Elle releva la tête, la secoua imperceptiblement. Elle ne s’en rendait pas compte, mais à cet instant, elle était magnifique. Fine, assise bien droite, ses cheveux noirs étaient légèrement décoiffés et quelques mèches folles s’échappaient de sa tresse. Ses yeux bleus nuit, frangés de longs cils, avaient un air absent, comme à chaque fois que des rouages scientifiques s’activaient dans son cerveau. Ses pommettes délicates, le bombé de son front, son menton un peu pointu, chacun d’eux absorbait la lumière, comme pour mieux la refléter.
Soudain, elle eut la sensation qu’on était en train de l’observer. Sa sœur peut-être ? Elle tourna la tête vers le couloir d’entrée. Un homme se tenait là. Il était grand, large d’épaules. Son corps était athlétique, il portait une chemise et un pantalon de costume, comme un uniforme qui se craquellerait en fin de journée. Ses cheveux étaient blonds, presque dorés, sa mâchoire volontaire. Son regard était intense : deux yeux bleus outremer vous frappaient comme une déferlante, et ce regard était dardé sur Alexa. Leurs observations réciproques durèrent un bref instant, car soudain l’homme se mit à avancer. Comme hypnotisée, Alexa le vit venir vers elle.
— Bonsoir, dit-il en arrivant à sa hauteur. Cette place est prise ?
Il désignait le tabouret à côté d’Alexa. Cette dernière hésita une fraction de seconde.
— J’attends quelqu’un.
— Alors attendons ensemble, rétorqua-t-il en s’installant.
Alexa fut assez bluffée par son aplomb. Il était clairement quelqu’un d’important.
— Que voulez-vous boire ?
— Rien, merci.
— J’insiste.
Alexa sourit en secouant légèrement la tête. Il n’était à priori pas du style à prendre un non comme réponse. À moins que… à moins qu’il ne la confonde avec l’une de ces femmes, qui tiennent compagnie aux hommes ?
— Une coupe de champagne ? Ça vous irait ?
Alexa eut une moue qui acquiesçait sans encourager. Son cou gracile formait une ligne pure, délicate qui sembla subjuguer l’homme. L’inconnu leva deux doigts et le serveur accourut pour prendre la commande.
— Bien, dit-il, maintenant m’apprendrez-vous qui vous êtes, et ce que vous faites ?
— Ce n’est pas très passionnant.
— Laissez-moi en juger.
Alexa haussa les épaules.
— Comme vous voudrez. Je fais de la recherche économique.
L’homme sembla stupéfait. Sa réaction était plutôt habituelle : en raison de sa beauté, personne ne croyait qu’Alexa puisse être autre chose, au mieux, qu’une aspirante top modèle, ou au pire, qu’une actrice pour films de seconde zone.
— Dans un domaine en particulier ?
— J’étudie le marché, les politiques de dividendes.
— Et qu’avez-vous trouvé ?
— Des crises, des chocs, des changements de lois qui entraînent des volatilités.
Alexa ne développa pas plus loin, les gens étaient rarement intéressés par ce sujet.
— Sans vouloir paraître blessant, répondit l’homme, ce n’est pas vraiment un scoop.
— Vous n’avez pas idée du nombre de prix Nobel qui ont été distribués à des concepts plus simples que celui-ci.
— Non, c’est vrai, éclairez-moi.
Alexa était sur son terrain, elle allait être intarissable.
— La théorie de l’asymétrie de l’information, vous connaissez ?
— Je n’étais pas très assidu en cours.
— Et moi qui rêve d’être prof à l’université… plaisanta Alexa.
— Si ça avait été vous, je vous aurais écouté. Laissez-moi profiter d’une séance de rattrapage.
Bonne joueuse, Alexa lui expliqua en quelques mots de quoi il retournait.
— Donc, Akerlof a eu un prix Nobel, car il s’est rendu compte qu’un vendeur de voitures d’occasion essayait toujours de vous refourguer le véhicule pourri en premier ? résuma-t-il, l’air vaguement scandalisé.
— Il a mis ça en équation et tout le monde a trouvé que c’était brillant.
Alexa laissa passer quelques instants. Elle fut surprise d’entendre qu’elle continuait.
— Je regrette cette époque, même si je ne l’ai pas connue. On faisait beaucoup plus confiance aux intuitions. Les idées simples semblaient les meilleures.
— Et plus aujourd’hui ?
— Aujourd’hui, c’est différent. On a tellement de données à analyser qu’on se perd d’abord dans les chiffres, sans trop savoir ce qu’on essaie de prouver.
— Trop de principes théoriques, plus assez de questions concrètes ?
Alexa hocha la tête. L’homme n’ajouta rien, mais elle eut la certitude qu’il comprenait. Il leva ses yeux outremer vers elle et, lorsque leurs regards se croisèrent, Alexa se sentit profondément troublée.
Il consulta son smartphone et tapota rapidement un message, puis, l’air satisfait, lui demanda alors :
— Si nous allions dîner ?
Alexa compulsa elle aussi son téléphone. Elle avait reçu un SMS de sa sœur :
— Gros retard. Désolée bichette, je fais au plus vite, tu m’attends ?
Elle soupira. C’était tout Laura, ça : d’abord il fallait venir, c’était urgent et ensuite elle se faisait désirer des heures.
— Non, j’attends mon rendez-vous.
L’homme consulta sa montre.
— Trente minutes de retard et vous patientez encore ? Ça doit vraiment être quelqu’un d’important.
Alexa aurait pu expliquer qu’elle était arrivée un peu en avance, qu’elle devait voir sa sœur, mais elle préféra laisser planer le doute.
— Ça l’est.
— Je suppose que ça nous donne le temps de discuter de bien d’autres prix Nobel.
— On pourrait, mais j’aimerais plutôt faire l’impasse, à moins que vous n’y teniez.
L’homme rit. Leurs regards s’accrochèrent et Alexa sentit que son cœur s’emballait. Il était magnétique, un peu fauve, comme une panthère souple.
— J’aimerais surtout pouvoir te tutoyer, dit-il. Ça me donnerait moins l’impression de parler à une vieille dame.
Alexa eut un sourire : vingt-six ans, ce n’était pas si vieux, en effet.
— Tutoiement accepté.
Il demeura un instant silencieux tandis que ses yeux outremer la dardaient, intensément, et il posa d’une voix rauque sa question :
— Ton rendez-vous, c’est un homme ?
Alexa prit un air énigmatique.
— En voilà une question très concrète.
— Réponds-moi, s’il te plaît. Tu n’as pas d’alliance, mais tu es trop exceptionnelle pour que personne ne l’ait remarqué.
Cette tirade prit Alexa au dépourvu. Elle préféra soulever son verre et boire une gorgée de champagne. Elle calcula rapidement qu’au prix de la coupe, elle venait d’avaler 5 euros. Cela la fit sourire. L’homme la contemplait et son silence semblait le mettre au supplice. Elle lui jeta une œillade et comprit qu’elle avait assez joué.
— Non, je n’ai personne.
Un léger soupir de soulagement parut s’exhaler de ses poumons.
— Alors, pourquoi n’allons-nous pas dîner ?
Il allait trop vite, Alexa préféra biaiser.
— On ne se connaît pas.
— On ne se connaît pas encore.
— On a réponse à tout, mmm ?
Il sourit, mais semblait chercher la parade.
— Soit c’est le lieu, soit c’est moi. Est-ce que c’est moi ? demanda-t-il, l’air affecté.
Alexa entendit un rire lui échapper. Il était vraiment tenace.
— Non, on va dire que c’est l’endroit.
— Qu’as-tu à lui reprocher ?
— Plein de choses.
— J’aimerais bien comprendre, insista-t-il, un sourire irrésistible aux lèvres.
Alexa, n’ayant pas spécialement étudié la question, se lança dans une argumentation un peu au jugé.
— OK, si on prend ça point par point : l’éclairage est trop rose.
— Toutes les filles aiment le rose. Argument suivant ?
— Les fauteuils sont designs donc potentiellement inconfortables.
— Préjugé : il suffit de les tester, répondit-il.
Alexa porta inconsciemment un doigt sur ses lèvres et tapota dessus. Son tic de réflexion semblait hypnotiser son interlocuteur, mais elle, toute entière dédiée au jeu, ne s’en rendait pas compte. Sa main s’éloigna alors qu’elle formulait le fruit de ses pensées.
— Je pense que ce n’est pas un vrai restaurant, mais un néo-restaurant.
— Pardon ?
— Un néo-restaurant. Tu ne connais pas ?
— Je vais bientôt connaître, taquina-t-il.
Alexa leva la main puis continua.
— Tu possèdes une brasserie, mais tu trouves que tu ne vends pas tes plats assez chers. Alors qu’est-ce que tu fais ? Tu refais la déco, pour donner un air branché, que ce soit instagramable, et tu fais semblant de ne plus vendre des burgers : à la place tu vends des néo-burgers, ou des burgers revisités, ou des burgers à la façon de grand-mère. C’est la même chose, mais le cheddar est remplacé par du camembert.
— Et alors, pourquoi ça serait mal ?
— Parce qu’un burger est fait pour le cheddar. Un burger sans cheddar, c’est une escroquerie. Un burger sans cheddar, c’est un néo-burger.
— Il y a un moyen bien simple de confirmer cette théorie, répondit-il.
Il appela le serveur et lui demanda la carte du restaurant.
— Alors qu’est-ce qu’on cherche ? Des néo-plats ? interrogea-t-il, en tentant de rester sérieux. C’était peine perdue : son sourire lui montait aux yeux.
— Une salade César revisitée, un burger façon truc chose, une néo-cuisse de canard confite.
La carte arriva et il l’ouvrit entre eux sur le comptoir. Alexa se pencha vers lui pour la parcourir et elle fut soudainement un peu trop proche, comme dans une sphère plus intime. Elle respirait son parfum, une odeur épicée et ce shoot olfactif déclencha une réaction épidermique, comme si cela devenait désormais sa senteur préférée. Il montra plusieurs plats du doigt.
— Salade néo-César, lut-il, confit de canard revisité... Je dois dire que je suis plutôt impressionné.
— C’est donc bien un néo-restaurant, dit simplement Alexa.
— Ma curiosité est trop immense, je dois absolument goûter.
— Bon courage à toi.
— Non, tu viens avec moi. Tout seul, je ne vais pas y arriver, je ne sais pas comment néo-manger.
Il souriait en attendant sa réponse, alors Alexa analysa rapidement la situation. Un bel inconnu, riche, drôle, cultivé et apparemment très intéressé voulait manger avec elle. Elle ne comprit même plus pourquoi elle tergiversait. Peut-être à cause du lapin qu’elle allait devoir poser à sa sœur ? Cela étant, elle avait déjà presque 45 minutes de retard... Alexa attrapa son téléphone et envoya un texto pour dire qu’on reportait la sortie au lendemain. Ça tombait bien, elle devait dîner avec Juliette, elles feraient un restaurant toutes ensemble.
— C’est bon, allons néo-manger, dit-elle en se dégageant du tabouret.
L’inconnu eut un sourire et se leva à son tour. Ils se dirigèrent vers la réception, où le maître d’hôtel attendait.
— Une table pour deux, s’il vous plaît.
— Vous avez réservé ?
— Non, mais cette table sera parfaite, répondit-il en désignant l’une d’elles, adossée à une fenêtre, qui jouissait d’une très belle vue.
Le maître d’hôtel évalua rapidement le compagnon d’Alexa. Était-ce à cause de ses habits, manifestement de très haute qualité, de sa prestance, de sa façon désinvolte d’exiger une faveur comme un dû ? Il le rangea apparemment dans la catégorie de ceux à qui on ne peut se permettre de refuser et leur demanda de les accompagner. Il ramassa rapidement le petit panneau réservé, qui trônait sur la table, et les pria de s’installer. Ils étaient disposés en angle, et non pas face à face, ainsi ils pouvaient tous les deux contempler la vue, sans que le reste de la salle les importune. Alexa réalisa soudain qu’elle ne savait même pas comment il s’appelait.
— Tout va bien ? demanda son compagnon.
— Non, je suis très gênée, nous ne nous sommes pas présentés.
— Je m’appelle Andrea.
Alexa leva un sourcil interrogateur.
— Andrea ?
— C’est un prénom italien.
— Tu es italien ? Tu n’en as pas l’air.
Andrea eut un sourire.
— Pourquoi ?
— Pourquoi ? répéta Alexa. Voyons, si on ouvre la boîte à cliché : tu devrais être brun, les cheveux gominés, la peau mate, porter une chaîne en or, une chemise noire, un pantalon blanc et des mocassins.
Andrea cherchait à contenir un rire alors elle continua.
— Tu devrais dire : ma, ma, ché, tout en agitant les mains et les bras, et en être déjà à ton troisième café.
Andrea ne put se retenir davantage, il s’esclaffa. Alexa se joignit à lui. Cela durant quelques instants. Un serveur s’approchait pour prendre la commande, il fit demi-tour.
— OK, dit finalement Andrea.
— Comment ça se fait que tu n’aies pas l’air plus italien ?
Andrea eut une seconde d’hésitation et Alexa eut l’intuition que le sujet le mettait un peu mal à l’aise.
— Parce que je ne suis qu’à moitié italien, ma mère est française.
— Ce qui explique que tu parles sans accent.
— Ma, ché, grazie1, dit-il en contrefaisant l’accent italien.
Alexa sourit et ouvrit la carte. Elle ne s’attendait pas à un miracle gastronomique et prit un tartare façon thaïe. Andrea tenta le confit revisité.
— Et toi, me diras-tu enfin comment tu t’appelles ?
— Alexa.
Quelques secondes passèrent.
— Ça ne pouvait être qu’Alexa, dit doucement Andrea.
Les plats arrivèrent, ils étaient étonnamment bons. Les épices de la viande étaient parfaitement dosées et le twist gustatif très réussi. Le confit d’Andrea aussi semblait savoureux, il avait été effiloché, rendu légèrement croustillant.
— J’attends ton néo-verdict ? demanda Andrea.
Alexa rit un peu.
— Je n’espérais pas que ce soit si délicieux.
— Les apparences peuvent donc être trompeuses ?
— Peut-être… Parfois, répondit-elle.
Elle consulta sa montre : déjà plus de 23 heures. Il était grand temps de rentrer. Demain, elle assurait un cours de chargé de TD, il fallait absolument qu’elle se lève tôt pour être bien préparée. Andrea comprit le message et appela le serveur pour l’addition. Il tendit nonchalamment une American Express noire et Alexa sentit alors qu’un commentaire du style : attends, je vais payer ma part, était complètement inutile.
— Viens, dit-il, je te ramène chez toi.
— Tu as une voiture ?
— Oui, c’est plus pratique quand on veut ramener quelqu’un, répliqua-t-il.
Alexa réalisa qu’elle n’avait absolument pas envie que la soirée se termine. Le restaurant était proche de Montmartre, à cette heure, les ruelles de la butte se teintaient d’un charme mystérieux, il était vraiment dommage de ne pas profiter du quartier.
Andrea indiquait qu’il fallait partir à gauche, Alexa ne bougea pas.
— Est-ce que ça va ? l’interrogea Andrea.
Alexa hocha imperceptiblement la tête. Elle chercha ses yeux et lui dit d’une voix calme, qui ne reflétait en rien l’agitation de ses pensées :
— J’ai passé une belle soirée.
Il lui sourit, un sourire simple, heureux, un sourire merveilleux. La main d’Andrea glissa jusqu’à celle d’Alexa, jusqu’à la couvrir. Ses doigts étaient virils, sa main large et chaude serra la sienne. Le contact était électrisant, Alexa le regardait faire, hypnotisée, voyant comment ses doigts s’enchâssaient aux siens, et comme ce contact, si simple déclenchait un tambourinement terrible de son cœur.
— Moi aussi, souffla-t-il.
Elle leva les yeux, rencontra ceux d’Andrea et il dut comprendre que c’était le bon moment, car il s’approcha, et Alexa vint vers lui, pour se laisser embrasser. Ce fut une fulgurance, un contact intime, qui fit pulser le sang dans ses oreilles. Andrea s’éloigna presque aussitôt, son regard outremer était voilé de noir, Alexa avait le souffle court, les lèvres entrouvertes, et il y eut alors comme un besoin impérieux qu’ils recommencent à s’embrasser.
Andrea embrassait très bien, Alexa sentait sa langue qui entrait dans sa bouche, jouait avec la sienne, avec douceur, délicatesse, et il fût pour elle évident qu’ils n’en resteraient pas là. Cependant, tout ceci n’était pas prudent, ils se connaissaient à peine, il ne servait à rien d’aller trop vite. Elle se détacha de lui, gentiment, sans brusquerie, et n’eut rien besoin de dire, Andrea semblait avoir compris. Il posa un regard lourd sur elle.
— Il n’est pas question que tu partes avant que tu me promettes qu’on va se revoir, tous les deux.
Alexa était estomaquée : il était clairement en train de mendier un rencard. Comme si ce n’était pas assez visible, il ajouta :
— S’il te plaît.
Elle sentait transparaître l’évidence : bien sûr qu’ils se reverraient.
— Prends mon numéro, ça sera plus simple, dit-elle avec un sourire qui, elle l’espérait, masquait un soupçon de nervosité dans sa voix.
Andrea s’exécuta. Ils avaient probablement encore beaucoup à dire, mais il était tard et mieux valait en rester là.
— Maintenant, viens, je te raccompagne, dit-il.
— OK, en voiture alors.
Le voiturier apporta le véhicule, une BMW grise. Alexa monta et indiqua à Andrea son adresse. Ils circulèrent en silence, dans l’habitacle flottait la question qu’Alexa se posait : l’inviterait-elle à venir chez elle ?
Andrea fut un parfait gentleman : en arrivant, il l’embrassa fugacement et lui souhaita bonne nuit. Alexa, toute transportée, ouvrit la portière, sortit, se dirigea vers son appartement. Un dernier signe de la main et Andrea disparut.